La 6ième édition des Nuits de la lecture auront lieu du 20 au 23 janvier 2022, c’est l’occasion pour les familles de découvrir de nouveaux auteurs, notamment dans la littérature jeunesse qui n’a jamais été aussi florissante.
Une enquête menée par le magazine J’aime Lire (en collaboration avec l’institut de sondage Harris Interactive) sur les 7-11 ans montre que 84 % des enfants prennent plaisir à lire. C’est un chiffre rassurant, à l’heure où les écrans semblent davantage séduire les jeunes générations. En quoi est-ce important de lire pour un enfant ? Comment faire si son enfant n’aime pas lire ? Afin de répondre à ces questions, Familles de France (FDF) s’est entretenu avec Sylvie Vassallo (SV), Directrice du Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint-Denis.
FDF : Quels sont les bienfaits de la lecture pour les enfants ?
S.V. Ils sont multiples : cela permet aux enfants de découvrir d'autres mondes, de voyager et de se découvrir soi-même. C’est à la fois une sorte de miroir dans lequel on se reflète mais un miroir qui ouvre des portes, qui apporte des émotions, des sensations. Le livre est pour moi un compagnon assez décisif pour que l'enfant s'épanouisse dans ses apprentissages. C’est quelque chose d'assez vital, c'est une nourriture qui est indispensable. Ça fait partie des choses vraiment essentielles.
À partir de quel âge peut-on initier un jeune enfant à la lecture ?
Très petit et même au moment de sa croissance dans le ventre de sa maman. Les enfants très tôt entendent et comprennent la langue de l'histoire qui est une langue différente de la langue du quotidien et de la langue du dialogue. C'est une langue qui ouvre des espaces imaginaires. Pour le très jeune enfant, c’est un son qui transmet des émotions différentes et les enfants le comprennent assez vite, bien avant de comprendre le son des mots.
Comment donner le goût de la lecture aux plus jeunes ?
C’est une question qui angoisse les parents parce qu’il y a quelque chose qui est très connu et très partagé, c'est que la lecture n'est pas neutre du tout dans l'équilibre de l'enfant, dans ses apprentissages. Pour autant, il ne faut pas en faire une affaire d’Etat ni une injonction. Il faudrait plutôt l’encourager, lui faire ouvrir différentes portes, démultiplier la manière d'ouvrir les portes : ça demande d'être à l'écoute de l'enfant, chaque enfant va avoir une raison différente, une sensibilité différente.
Dans les conseils qu'on peut donner :
- Lire à voix haute à son enfant
- Laisser des livres traîner partout à la maison
- Discuter de lecture avec lui
- L’exemple s'apprend aussi par mimétisme : prendre du temps à la maison pour soi quand on est adulte avec un livre
- Transmettre le plaisir de lire c'est aussi être à l'écoute de ses enfants en matière de lecture et leur demander aussi des conseils
- Les emmener à la bibliothèque, en librairie, dans des salons du livre
- Le plaisir de la lecture se trouve aussi dans l'échange et dans le partage. Il faut favoriser tous les modes de lecture, que ça soit le livre papier, l'écran, le livre audio. Si je devais garder un seul conseil ça serait le partage.
Est-ce que les boîtes à histoires font partie du terme générique de la lecture ?
Oui pour moi clairement ça fait partie du terme générique de la lecture et en fait comme tous les genres du livre que ça soit la bande dessinée ou le polar, les littératures du réel , les contes, la poésie, le théâtre, tout ça pour moi fait partie de la lecture, de ce geste qui doit se faire au quotidien.
Après, ce qui va faire la différence c'est moins le genre ou moins le support c'est plutôt la qualité de ce qui est écrit ou écouté dans ses livres.
La lecture fait-elle encore partie intégrante de l'éducation ou de la parentalité à l'ère des tablettes numériques ?
Plus que jamais la lecture fait partie de l’éducation. Je pense que les tablettes numériques apportent également des choses importantes dans l'univers de l'enfant mais le livre par son contenu et par son objet, par sa forme apporte des choses absolument essentielles. Par exemple dans une tablette il y a une lecture qui se fait de façon multi contenu tandis que le livre, le plus souvent apporte une lecture très linéaire. Il apprend à construire un point de vue du début à la fin avec un enchaînement, c'est quelque chose d'important.
Ensuite, le format du livre avec sa couverture, ses pages à l'intérieur, c'est un objet qui a traversé les siècles et qui transmet aussi une forme culturelle d'histoire dont on sait qu'il y a un début et une fin et que l'histoire est à l'intérieur : cet objet-là est sécurisant pour un enfant.
Quand le parent lit une histoire à son enfant, ce livre qu’on tient à deux mains crée une sorte de bulle, un espace de lecture permettant aussi de créer des liens au-delà de l'histoire. Ça c'est quelque chose d'assez décisif, ces émotions qui se transmettent par l'intérieur de la bulle de lecture, c’est important pour se poser, pour grandir.
Ça fait partie de la richesse de la relation parent-enfant et c'est aujourd'hui complètement indispensable, ça fait partie de la vie familiale car c'est quelque chose dont on se souvient après.
La bibliothèque familiale recèle autre chose que des livres, elle recèle des histoires qu'on a partagées, des temps, des émotions, des souvenirs familiaux : c'est comme les photos de vacances.
Cela apporte des repères pour avancer, comme un compagnonnage. Je pense qu’à ce titre-là c'est un objet culturel assez déterminant par rapport aux autres, dans le sens où souvent c’est ce première objet culturel qui va ouvrir la porte des autres objets culturels comme le cinéma, le théâtre, la musique.
Cela va créer des habitudes et créer des connexions avec le monde culturel beaucoup plus vaste que le monde du livre lui-même.
Quels conseils donner aux parents qui sont en difficultés eux même dans la lecture ?
Le projet « des livres à soi » a été justement conçu pour donner envie aux parents de raconter des histoires, au sein des familles qui ont moins l’habitude ou la possibilité de le faire.
Ce dispositif créé en 2014 permet de sensibiliser et d’encourager la pratique de la lecture à des enfants dans des quartiers défavorisés. Il s’agit d’atelier animés par des professionnels du champ social, qui donnent aux parents les clés pour " acquérir des compétences de raconteurs d’histoires ".
Est-ce que vous avez des recommandations en termes de lecture par tranche d'âge à partager ?
J’ai envie de faire partager les coups de cœur qui ont été élus lors de notre salon cette année : Lucie Félix est une artiste de la littérature jeunesse qu’il me semble important de découvrir si on ne la connaît pas (Coucou, La Promenade du petit bonhomme… ). Sinon, voici les livres qui ont été élus par le jury d’enfants :
- Pépite d’Or : " Queen Kong "
- Fiction ados : " Polly "
- Bande dessinée : " Nowhere Girl"
- Fiction juniors : "Les Filles montent pas si haut d’habitude"
- Livre illustré : "Esprit, es-tu là ? "
Ce sont des livres qui parlent de la difficulté d'être, qui nous aide, même s’ils ne nous apportent pas forcément de réponse mais qui formulent des questions, pour faire son chemin.