Paris, le 20 octobre 2015
Mesdames et Messieurs les Parlementaires
La politique familiale : avenir de la Sécurité sociale
Alors que la Sécurité sociale fête cette année ses 70 ans, Familles de France s’inquiète des mesures récentes qui ont petit à petit remis en cause la place et le rôle d’une des quatre branches de la sécu : la branche famille.
La rigueur budgétaire et le manque d’ambition de la politique familiale :
La politique familiale est par définition une politique ambitieuse, car une politique d’investissement en l’avenir qui s’adresse aux enfants et aux jeunes générations.
Elle se caractérise aussi historiquement par son universalité : elle a donc vocation à s’adresser à tous et à réunir toutes les familles sans distinction.
Or les dernières réformes, dont le principal objectif finalement est le retour à l’équilibre de la branche (le déficit devant être ramené en 2016 à -0,8Mds d’€), sont des signes inquiétants pour la politique familiale, impactant les principes et les moyens mêmes de son action :
- les modulations de l’allocation de base de la Paje et des allocations familiales remettent en cause le principe d’universalité et le budget des jeunes familles,
- le pacte de responsabilité et la baisse des cotisations famille portent le risque de désengager les employeurs, acteurs historiques de la politique familiale,
- l’insuffisante création de places en crèche et le rebasage l’année passée du Fonds national d’action sociale adresse un message dangereux aux acteurs de la branche famille et ses partenaires pour investir dans des services aux familles.
Il serait aisé par la suite d’argumenter de l’inefficacité et de l’inadaptation de la politique familiale, mais comment pourrait elle continuer à être efficace sans les moyens de sa mise en œuvre ? Les familles ne sont pas dupes de ces arguments fallacieux. Pour pouvoir investir et assurer leurs actions auprès des familles, tous les acteurs de la politique familiale (familles, Caf, partenaires sociaux, associations) ont besoin de financements conséquents et pérennes : les moyens d’une politique ambitieuse et universelle, ces principes mêmes qui ont justifié, il y à 70 ans, son intégration au sein de la Sécurité sociale.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Familles de France vous interpelle pour que vous veilliez avec nous à voter un budget annuel qui assure des réformes justes aux familles et un avenir à la politique familiale.
Patrick CHRETIEN,
Président de Familles de France
Article 7
I. – À l’article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale, le nombre : « 1,6 » est remplacé par le nombre : « 3,5 ».
II. – Le I s’applique aux cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er avril 2016.
Pour chacune des périodes du 1er janvier au 31 mars 2016 et du 1er avril au 31 décembre 2016, la réduction de taux mentionnée à l’article L. 241-6-1 de ce code est calculée en fonction de la rémunération annuelle totale perçue en 2016.
L’article 7 marque la deuxième étape de la mise place du pacte de responsabilité et de solidarité avec l’extension de la réduction du taux de cotisations d’allocations familiales aux salaires entre 1,6 et 3,5 Smic. Cette baisse entre en vigueur à compter du 1er avril 2016.
Familles de France est très soucieux de l’équilibre budgétaire de la branche famille. Le manque à gagner de cotisations, qui restent le mode de financement historique et principal de la Sécurité sociale, doit être compensé par l’Etat.
La réduction des cotisations d’allocations familiales représente une perte de 3,1 milliards d’€ pour la branche famille en 2016, qui sera compensé par la prise en charge par l’Etat de l’Allocation de logement familial. Si ces mécanismes de réaffectation de certaines dépenses ou recettes entre branches de la Sécurité sociale ou entre l’Etat et la Sécurité sociale sont choses courantes maintenant dans nos budgets nationaux annuels (la branche familles a pris en charge il y a quelques années les majorations pour enfant au bénéfice du Fonds de solidarité vieillesse, une des raisons pour lesquelles son budget est alors devenu déficitaire), ils nous interrogent puisqu’au-delà de l’aspect financier ils ne démontrent aucune volonté politique d’assurer la pérennité de ces financements.
Article 31
I. – Le livre V du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 523-1 est ainsi modifié :
a) Au 3°, après les mots : « se trouvent, », sont insérés les mots : « s’ils sont considérés, au regard de conditions fixées par décret, comme étant » ;
b) Après le 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Tout enfant dont le père ou la mère, ou les père et mère, s’acquittent intégralement de leur obligation d’entretien ou du versement d’une pension alimentaire mise à leur charge par décision de justice, lorsque le montant correspondant est
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inférieur à celui de l’allocation de soutien familial. Dans ce cas, une allocation de soutien familial différentielle est versée. Les modalités d’application du présent alinéa, notamment les conditions dans lesquelles, en l’absence de décision de justice préalable, le montant de l’obligation d’entretien pris en compte pour le calcul de l’allocation de soutien familial différentielle est retenu, sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article L. 581-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’un au moins des deux parents s’acquitte intégralement du versement d’une créance alimentaire pour enfant fixée par décision de justice devenue exécutoire dont le montant est inférieur à celui de l’allocation de soutien familial, l’allocation différentielle mentionnée au 4° de l’article L. 523-1 qui lui est versée n’est pas recouvrée et demeure acquise au créancier. »
II. – L’article L. 213-4 du code des procédures civiles d’exécution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un organisme débiteur de prestations familiales agit pour le compte d’un créancier d’aliments, la procédure de paiement direct est applicable aux termes échus de la pension alimentaire pour les vingt-quatre derniers mois avant la notification de la demande de paiement direct.
Le règlement de ces sommes est fait par fractions égales sur une période de vingt-quatre mois. »
III. – Au premier alinéa de l’article L. 3252-5 du code du travail, après les mots : « pensions alimentaires », sont insérés les mots : « ou des vingt-quatre derniers mois lorsque l’organisme débiteur des prestations familiales agit pour le compte du créancier ».
IV. – Le présent article est applicable à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.
V. – Le présent article est applicable à compter du 1er avril 2016.
L’article 31 poursuit la réforme de l’Allocation de soutien familial en généralisant le dispositif actuellement expérimenté dans une vingtaine de départements : la garantie des impayés de pension alimentaire. La généralisation entre en vigueur à compter du 1er avril 2016.
Familles de France avait soutenu cette réforme dès son origine : on sait en effet que les parents isolés, les familles monoparentales, font partie des familles fragiles économiquement. A cette précarité s’ajoute souvent la précarité des relations familiales (conflits, perte de contact) qui survient souvent
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conjointement avec un non-paiement de pension, et de difficultés (ou même refus) du parent créancier d’enclencher une procédure de recouvrement.
La réforme de l’Allocation de soutien familial revêt plusieurs avancées pour les familles :
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la fixation d’un niveau minimum de pension pour les parents dont la pension était fixée en dessous de l’allocation de soutien familial (qui ne sont pas choses rares puisque la moitié des familles toucherait moins de 150€/mois de pension alimentaire)
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le renforcement des moyens des Caf pour recouvrer plus rapidement les impayés
Cette mesure va de pair avec d’autres dispositions prises dans le cadre de la COG 2013-2017 entre la Cnaf et l’Etat, en particulier la revalorisation de la prestation de service médiation familiale et la création d’une prestation de service espace de rencontre parents-enfants, deux services essentiels pour accompagner les familles en situation de rupture. On constate en effet que plus la relation est « apaisée » mieux la pension est comprise et donc payée, et similairement que plus les liens entre l’enfant et le parent débiteur sont réguliers/forts, et mieux la participation aux charges d’enfant est intégrée.
Article 57
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 161-23-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « conformément à l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac prévue, pour l’année considérée, dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances » sont remplacés par les mots : « par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25 » ;
b) Le second alinéa est abrogé ;
2° À l’article L. 341-6, les mots : « par application d’un coefficient de revalorisation égal à l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, prévue pour l’année en cours, le cas échéant corrigée de la différence entre le taux d’évolution retenu pour fixer le coefficient de l’année précédente et le taux d’évolution de cette même année » sont remplacés par les mots : « par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25 » ;
3° À l’article L. 351-11, les mots : « chaque année par application du coefficient annuel de revalorisation mentionné à l’article L. 161-23-1 » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues à l’article L. 161-23-1 » ;
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4° Au troisième alinéa de l’article L. 353-5, les mots : « suivant les modalités prévues par l’article L. 351-11 » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues à l’article L. 161-23-1 » ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 356-2, les mots : « révisé dans les mêmes conditions que les prestations servies en application des chapitres Ier à IV du titre V du présent livre » sont remplacés par les mots : « revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 161-23-1 » ;
6° Au deuxième alinéa de l’article L. 434-1, les mots : « dans les conditions fixées à l’article L. 351-11 » sont remplacés par les mots : « au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25 » ;
7° À l’article L. 434-2, la dernière phrase du troisième alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée : « Elle est revalorisée au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25. » ;
8° Au premier alinéa de l’article L. 434-16, les mots : « d’après les coefficients de revalorisation fixés pour les pensions d’invalidité par les arrêtés pris en application de l’article L. 341-6 » sont remplacés par les mots : « au 1er avril de chaque année d’après le coefficient mentionné à l’article L. 161-25 » ;
9° L’article L. 434-17 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 434-17. – Les rentes mentionnées à l’article L. 434-15 sont revalorisées au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25. » ;
10° L’article L. 551-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « conformément à l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac prévue, pour l’année considérée, par la commission visée à l’article L. 161-23-1 » sont remplacés par les mots : « par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25 » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
11° La sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre II du livre VII est complétée par un article L. 723-11-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 723-11-2. – Le montant de la pension de retraite servie par le régime d’assurance vieillesse de base des avocats est revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 161-23-1 » ;
12° À l’article L. 816-2, les mots : « des allocations définies au présent titre et des plafonds de ressources prévus pour leur attribution » sont remplacés par les mots : « de l’allocation définie à l’article L. 815-1 et des plafonds de ressources prévus pour son attribution » et les mots : « aux
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mêmes dates et selon les mêmes conditions que celles applicables aux pensions d’invalidité prévues à l’article L. 341-6 » sont remplacés par les mots : « au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25. » ;
13° Le premier alinéa de l’article L. 861-1 est ainsi modifié :
a) La première phrase est remplacée par une phrase ainsi rédigée : « Les personnes résidant en France dans les conditions prévues par l’article L. 380-1, dont les ressources sont inférieures à un plafond déterminé par décret et revalorisé au 1er avril de chaque année, par application du coefficient mentionné à l’article L.161-25, ont droit à une couverture complémentaire dans les conditions définies à l’article L. 861-3. » ;
b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le montant du plafond est constaté par arrêté du ministre en charge de la sécurité sociale. »
II. – Au 2° de l’article L. 732-24 et au 2° de l’article L. 762-29 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « chaque année suivant les coefficients fixés en application de » sont remplacés, à chacune de ces deux occurrences, par les mots : « dans les conditions prévues à ».
L’article 57 porte réforme des modalités de revalorisation des prestations familiales et des prestations sociales en fixant deux dates de revalorisation annuelle : le 1er octobre pour les retraites et le 1er avril pour toutes les autres prestations, en basant désormais cette revalorisation sur l’inflation moyenne constatée (prix à la consommation hors tabac) et non plus prévisionnelle.
Si Familles de France constate que pour les allocations familiales, déjà revalorisées au 1er avril, la mesure ne change rien, nous rappelons que les modes et dates de revalorisation des prestations sont bien plus que des dispositions permettant des ajustements budgétaires et la réduction des dépenses (tels qu’ils ont été utilisés ces dernières années). L’enjeu des prestations est d’assurer le maintien du pouvoir d’achat et du niveau de vie des allocataires : or depuis des années les prestations sont trop faiblement revalorisées, les retraites stagnent… et leurs bénéficiaires ne sont pas seulement « maintenus » en situation de précarité par la crise, mais leur précarité est aggravée par ces modalités de revalorisation.
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Retour sur les précédentes réformes
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le partage du congé parental entré en vigueur au 1er janvier 2015
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la modulation des allocations familiales entrée en vigueur au 1er juillet 2015
S’il est encore tôt pour constater le plein effet des ces réformes, Familles de France souhaitait rappeler sa position sur ces questions.
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le partage du congé parental : Familles de France est favorable au principe du partage, mais nous nous opposons au fait qu’il soit « obligatoire » pour les parents (ceux qui ne le partagent pas perdant une période de ce congé). Nous rappelons que nous avions à l’époque proposé de laisser le choix aux parents qui le souhaitaient de se partager une partie du congé, sachant malheureusement qu’il existe encore des situations familiales et/ou professionnelles où ce partage reste difficile. Nous aurions pu par la suite tirer le bilan de ce partage optionnel, et le systématiser en fonction. Dans ce cadre nous avions également proposé :
- l’extension du COLCA / PreParE majorée aux familles de deux enfants (celles qui s’y déclarent le plus favorables et qui ont moins de contraintes organisationnelles que les familles nombreuses, raisons pour laquelle ces dernières se sont peu tournées vers ce congé parental « réduit »)
- l’aménagement de la période de congé parental pour permettre au parent en cessation d’activité de bénéficier de la formation professionnelle, de la validation des acquis de l’expérience, d’un aménagement de son temps de travail… en formalisant et en assurant des contacts avec l’employeur tout au long du congé (RDV annuels ou semestriels par exemple)
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Familles de France rappelle son attachement historique au principe de l’universalité des allocations familiales et leur égal versement à toutes les familles à charge d’enfants. Aujourd’hui par exemple les fonctionnaires bénéficient du supplément familial de traitement, versé proportionnellement au salaire, alors que les allocations familiales viennent d’être réformées à l’inverse. La réforme que nous avait annoncée le gouvernement dans un sens de justice n’en est donc pas une.
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